Isabelle Papieau, L’Art Déco, une esthétique émancipatrice. Ouais ! Pourquoi pas...

28 mars 2017

Par curiosité, j’ai acheté et je viens de finir ce petit livre d’Isabelle Papieau, L’Art Déco, une esthétique émancipatrice, édité chez L’Harmattan en 2013, et j’aimerais vous donner mon avis, formuler des critiques, voir ce qu’il m’a apporté. Mais tout d’abord, il est important de savoir que l’auteure n’est ni historienne, ni architecte, ni historienne de l’art mais sociologue. On se doute donc que son propos, le titre nous y invite d’ailleurs, se portera sur l’aspect social des transformations architecturales et artistiques de l’entre-deux-guerres.


Ah, ces intellectuel(le)s...

Tout est dans la première phrase après l'introduction. J’ai beau avoir fait des études de troisième cycle d’université, être titulaire d'une agrégation et j’ai beau m’intéresser de près à l’Art Déco, une phrase comme celle-ci, j’ai besoin de la relire trois fois minimum pour en tirer quelque chose.

De la « grande guerre », va émerger une conscientisation esthétique qui esquissera un tournant dans la généalogie de la modernité. À la convergence des discours politique, moral et d’une démarche culturelle réflexive, les productions esthétiques renvoyant à la Première guerre mondiale joueront sur la polarité de l’Expressionnisme et de la géométrisation (usitée en Art Déco), voire de l’abstraction : une démarche, parfois même combinatoire, qui renseignera sur la volonté des artistes-peintres combattants (français et allemands) de ce premier conflit mondial, d’user de signes empruntés à la plasticité pour traduire toute la répulsion de la transgression monstrueuse et de la destruction rédhibitoire.

Le ton est lancé. C’est moi ou bien nous sommes dans le « Comment faire simple quand on peut faire compliqué » ? On n'est pas là pour rigoler, un livre c'est sérieux, monsieur ! Ces intellectuels ont-ils peur de ne pas être pris au sérieux en faisant des phrases simples et compréhensibles à la première lecture ? On peut aussi admettre que le problème vient de moi auquel cas, la conclusion est qu’il vous faudra être bien plus malin que moi (ce qui n'est pas un gros challenge, je vous rassure) pour vous sortir de la lecture de ce livre sans un gros mal de crâne.

Détail : les notes en fin d’ouvrage et pas en bas de page. Non, en 2016, ce n’est pas possible. Pitié pour les feignants comme moi qui n’ont pas envie de faire trois aller-retours par page.

T'as voulu voir Vierzon...

La dame habite dans la région Centre et, en dehors de digressions à Paris et à Reims, tous les exemples sont piochés à Bourges et à Vierzon. Même si ces deux villes ont leurs attraits, la répétition de leur nom d’un bout à l’autre de cet essai frise le ridicule et montre que l’auteur a fait la majorité de son travail depuis son bureau. Ou alors il fallait appeler le livre « L’Art Déco, une esthétique émancipatrice en Berry ». Le tout agrémenté de fusains ou de quelques photos noir et blanc, souvent parfaitement étrangers au texte voisin, ce qui nous donne un produit mal fini.

Pour être objectif, je ne peux pas dire que je n’ai rien appris, loin de là. De nombreuses informations sont très utiles.

Conclusion

Vous m’avez compris, je ne recommanderais pas la lecture de cet ouvrage à n’importe qui et surtout pas au simple amateur d’art. Je passe tous les passages avec lesquels je ne suis pas d’accord (il me faudrait un article par citation) pour arriver directement à la conclusion. Quand j’ai l’impression que nous allons finalement trouver un terrain d’entente…

Après avoir été d'abord un style élitiste (ayant recours aux matières les plus prestigieuses et au service de structures ou d'équipements «  vitrines ») pour une cible socio-culturellement, économiquement affranchie, l'Art Déco élargit son rôle émancipateur en se développant notamment dans les villes gérées par une municipalité sensible aux règles de la modernité, de normalisation et de progrès préconisés par les réformateurs sociaux.

…Isabelle Papieau termine avec ces mots :

L’Art Déco va donc devenir un mouvement qui s’adaptera à la volonté de construire selon les critères d’optimisation humaniste des intérêts spirituels du citoyen : une transformation de l’être que tentera de faciliter sur le mode utopique, l’œuvre fonctionnaliste (l’harmonie entre technique artistique et procédés de la nature).

What the fuck ? Procédés de la nature ? En dehors des fleurettes en bas-relief et en ferronnerie, directement issues des styles du passé, aucune allusion n’a été faite à la nature dans tout l’ouvrage et le mot « nature » est pourtant le dernier mot du livre !

Les artistes auraient donc pour but la transformation de l’être ? Oui, si l’on veut, pour les plus prétentieux. Les autres cherchent à apporter leur petite pierre et ça leur suffit. Mais est-ce propre aux années d’entre-deux-guerres ? Je passe sur la définition de la spiritualité, toute propre à l’auteure.

Grâce à Mme Papieau, donc, on saurait ce qu’EST devenu l’Art Déco, grâce à un élégant futur à valeur de passé. Mais s’il y a quelque chose à retenir de cette période, c’est qu’elle n’a pas développé une esthétique mais de multiples, pas un style mais de multiples. Dans les années 20 comme dans les années 30, les architectes ont eu l’occasion de travailler pour le pauvre comme pour le riche. Alors les critères d’optimisation humaniste… que de grands mots pour ne pas dire grand chose, en fin de compte.


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